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La FGTB à la croisée des chemins
Ernest Mandel - Archives internet
Ernest Mandel Imprimer
La Gauche n°25, 20 juin 1970

L'intégration du syndicat dans l'Etat bourgeois et dans les structures néo-capitalistes, c'est sa transformation à moyen terme en un syndicalisme d'Etat, c'est-à-dire la mort du syndicalisme. La résistance à cette intégration n'est possible et efficace que si elle est portée par une doctrine qui comprend et explique la réalité du capitalisme - y compris du capitalisme contemporain, l'opposition fondamentale d'intérêts entre le Capital et le Travail, et qui se pose comme but non seulement l'augmentation des salaires mais l'abolition du salariat, le renversement du régime capitaliste et de l'exploitation ou l'oppression de l'homme par l'homme.

Ces buts sont proclamés dans la "déclaration de principes" de la F.G.T.B. des 28-29 avril 1945. Ils restent valables, aujourd'hui comme hier. C'est d'eux que doit s'inspirer le congrès doctrinaire de fin 1970 pour déterminer une orientation syndicale dans les années à venir. Et comme le proclame la " Déclaration de principe " de la F.G.T.B.: "Dans un esprit d'indépendance absolue vis-à-vis des partis politiques, et respectueux de toutes les opinions tant politiques que philosophiques, elle s'affirme vouloir réaliser ses buts par ses propres moyens et en faisant appel à l'action directe des travailleurs eux-mêmes."

Comment préparer, animer, organiser cette action directe, pour qu'elle acquière le maximum d'efficacité, non seulement dans les combats de tous les jours, mais aussi et surtout pendant les grandes explosions périodiques qui ébranlent jusque dans ses fondements le règne de la bourgeoisie: voilà quelle devrait être la préoccupation principale du congrès de la F.G.T.B.

Le but et les moyens

Les marxistes révolutionnaires affirment que l'action syndicale est indispensable, mais est, en elle-même, insuffisante pour réaliser le renversement du régime capitaliste. L'emprise de celui-ci sur la société et sur les esprits des masses populaires est telle qu'on ne peut espérer ni son démantèlement graduel (l'illusion des réformistes et des électoralistes), au moyen de "bonnes lois", ni son élimination au moyen d'un " coup d'éclat ", le " grand soir " (l'illusion des syndicalistes révolutionnaires et des spontanéistes).

Les premiers ferment les yeux devant l'incomparable capacité de la bourgeoisie d'intégrer et de "digérer" toutes les réformes dans son régime, aussi longtemps qu'elle conserve la domination sur l'essentiel: les grands moyens de production et l'appareil d'Etat. Les seconds ne saisissent pas toute la complexité de l'économie contemporaine et toute la puissance de l'appareil moderne de répression. Les travailleurs ne peuvent s'approprier les entreprises et démanteler cet appareil d'Etat, qu'en disposant d'une organisation mise au point par de nombreuses expériences, d'un niveau de conscience acquis par de nombreux combats anticapitalistes, et de structures nouvelles créées par les masses laborieuses elles-mêmes pour remplacer les structures vermoulues du capitalisme en déclin.

Nous sommes convaincus que cette capacité de mener à bien la lutte pour le renversement du règne du Capital et pour l'instauration d'un Etat de type nouveau, fondé sur les conseils des travailleurs, ne sera acquise par les masses laborieuses qu'au fur et à mesure que surgissent de leurs luttes des éléments d'avant-garde conscients, organisés en un parti révolutionnaire et une Internationale révolutionnaire, capables de conserver la continuité de l'expérience de lutte pendant les phases de repli des masses qui succèdent inévitablement aux phases de pointe, capables de combattre inlassablement l'influence de l'idéologie bourgeoise au sein des travailleurs et d'élever le niveau de leur conscience de classe.

Le combat pour une telle direction révolutionnaire nouvelle de la classe ouvrière, qui rompt radicalement avec la théorie et la pratique réformistes du P.S.B. et du M.O.C., avec la théorie et la pratique néo-réformistes du P.C. au cours des dernières décennies, est un élément indispensable du combat pour le socialisme en Belgique. C'est en s'efforçant de construire un tel parti révolutionnaire que les militants ouvriers/syndicaux, étudiants les plus conscients, dépasseront les limites de leurs expériences immédiates de lutte, surmonteront les effets de la division et de la parcellisation du travail sur leur propre niveau de conscience, et acquerront petit à petit, au delà de l'influence déjà acquise dans leur propre milieu de travail, l'indispensable autorité politique au sein de l'ensemble de la classe des travailleurs pour pouvoir, lors d'une prochaine grève générale, faire surgir de partout, dans les usines, les ateliers et les bureaux, les comités de grève élus par l'ensemble des grévistes, se fédérant à l'échelle locale, régionale et nationale, qui seront l'embryon du pouvoir des travailleurs en gestation, dans le monde capitaliste qui se meurt lentement.

Mais la pratique syndicale qui vise à réveiller et étendre l'activité des travailleurs sur les lieux de travail ne correspond pas nécessairement à cet objectif révolutionnaire que nous poursuivons au grand jour. Elle constitue le lieu de rencontre de tous ceux qui sont sincèrement attachés à la vitalité et à la consolidation de la force syndicale, de tous ceux pour lesquels la critique d'une démocratie parlementaire bourgeoise visiblement enrayée n'est pas un simple slogan de démocratie parlementaire, ou, pis encore, un tremplin d'aventuriers avides d'"Etat fort" au service du Capital.

C'est donc à la réflexion de l'ensemble des syndicalistes que nous soumettons notre contre-projet d'orientation de la F.G.T.B., opposé à celui de Janne et Spitaels.

La phase de l'équilibre instable entre le syndicalisme "intégré" et le syndicalisme debout touche à sa fin. Il faut choisir aujourd'hui: ou bien une acceptation franche et délibérée d'une intégration beaucoup plus avancée dans l'Etat bourgeois et dans les structures du néo-capitalisme, avec tout ce que cela implique; ou bien un redressement dans le sens du syndicalisme de combat, qui implique un cours vers des combats anticapitalistes réels, et vers une activité syndicale beaucoup plus large des travailleurs sur les lieux de travail.

Les chausse-trapes des compromis pourris et des ambiguïtés

Il est fort probable que les rapports Janne-Spitaels se heurteront à l'hostilité d'une partie importante des syndicalistes. Les réactions de "Combat", l'organe des métallurgistes liégeois, sont fort significatives à ce propos (voir le numéro du 21 mai 1970). Le danger est donc moins que les idées technocratiques et "néo-socialistes" de Janne et de Spitaels passent comme une lettre à la poste. Il réside plutôt dans la tentation, si naturelle au sein de l'appareil syndical en grande partie d'inspiration P.S.Biste, d'élaborer des "motions de synthèse" qui ménageront la chèvre et le chou.

Derrière le paravent d'un immobilisme doctrinal apparent des projets sur le maintien de l'ordre. A Zwartberg, pour la première fois, des grévistes furent tués sous un ministre "socialiste" de l'Intérieur. Toute cette expérience lamentable ne pouvait aboutir qu'à un seul résultat: une énorme vague de démoralisation, de désarroi et de passivité s'abattît sur le monde du travail. Les partis se réclamant du mouvement ouvrier perdirent un quart de leurs effectifs électoraux.

Le deuxième exemple est tout aussi instructif. Au lendemain de la grande grève de décembre 1960-janvier 1961, André Renard sentit la vague de fond de radicalisation qui parcourut la classe ouvrière wallonne. Des dizaines sinon des centaines de milliers de travailleurs wallons étaient prêts, à ce moment, à dépasser le réformisme traditionnel. C'était la grande chance du socialisme révolutionnaire qui, pour la première fois depuis la fondation du P.O.B., avait la possibilité d'acquérir l'hégémonie politique sur les travailleurs wallons.

Parce qu'il comprit que cette poussée ne pouvait être contenue dans des canaux purement syndicaux ; parce qu'il refusa de créer le parti de masse socialiste de gauche qu'il était possible de créer en ce moment-là, André Renard fonda le M.P.W. Son but initial était clair et progressiste: aller plus loin que le P.S.B. dans le sens du combat anticapitaliste ; assurer qu'une grève générale ultérieure aboutisse au renversement du régime capitaliste, du moins en Wallonie, où les rapports de forcé; semblèrent favorables à la réalisation de cet objectif. La base programmatique du M.P.W. "fédéralisme et réformes de structure anticapitalistes" était inspirée de cette préoccupation de l'aile marchante des grévistes de 1960-61.

Mais au fur et à mesure que le temps passait, et surtout après sa mort d'André Renard et après la fin de la bataille contre les projets sur le maintien de l'ordre (ou l'erreur capitale était commise de ne pas transporter la lutte dans les entreprises, et de se contenter de compter les mandats dans les congrès et assemblées F.G.T.B. et P.S.B.), une modification, d'abord subtile, puis de plus en plus nette, se produisit dans l'articulation de ces deux objectifs. Au lieu d'être le moyen de réaliser les réformes de structure anticapitalistes, c'est-à-dire de renverser le capitalisme, le fédéralisme devenait un but en soi. Au lieu d'être conçu comme un instrument de lutte de classe contre la grande bourgeoisie et son Etat unitaire, ce même fédéralisme était ravalé se contente de rappeler les positions des congrès extraordinaires d'octobre 1954 et d'octobre 1956 sur les réformes de structure, sans rappeler ce qu'elles sont devenues en pratique - la dégradation de la pratique syndicale, d'une pratique axée sur l'action des masses vers une pratique de collaboration de classes, utilisant "la piétaille" tout au plus comme une "masse de manœuvre" ou un "moyen de pression", risque de s'accentuer. A ce propos, deux exemples sont révélateurs.

Le rapport présenté au congrès d'octobre 1956 de la F.G.T.B., et approuvé par ce congrès, aboutissait à la revendication de réformes de structure, dont le transfert du domaine des holdings à la nation était la revendication clé. Le rapport utilisait, dans ce contexte précis, le terme de "contrôle". L'opposition des Simonet et des Henri Janne contre "l'extrémisme de Mandel" fit échouer toute tentative de présenter un programme d'action cohérent, pour la réalisation de cet objectif.

Le reste est connu. Il y eut la grève générale de 1960-1961. Il y eut la rentrée du P.S.B. au gouvernement. En jouant sur l'ambiguïté du terme "contrôle des holdings", on remplaça en réalité le démantèlement du pouvoir économique du Grand Capital par un simple contrôle comptable - qui ne fut d'ailleurs même pas réalisé. Les "réformes de structure" appliquées par le gouvernement Lefèvre-Spaak étaient des réformes néo-capitalistes. Elles avaient pour but de rationaliser, donc de renforcer l'économie capitaliste, non de renverser le pouvoir des holdings. Cette abdication doctrinale honteuse, là bourgeoisie ne s'en montra guère reconnaissante. Elle exigea même un prix supplémentaire: le vote au niveau d'une "réforme des institutions", voire d'une "révision constitutionnelle", qu'on pourrait réaliser en alliance avec une aile "régionaliste" de la bourgeoisie. Au lieu d'être farouchement hostile à la collaboration ministérielle avec la bourgeoisie, on ne subordonna plus celle-ci qu'à quelques concessions, de plus en plus anodines, dans le domaine "communautaire".

Ainsi, le fédéralisme lui-même se trouva éliminé de la lutte quotidienne comme les réformes de structure anticapitalistes l'avaient été auparavant. Certains finirent même pour adopter une position en retrait par rapport à celle du vieux P.S.B., s'intégrant encore davantage dans la collaboration avec la bourgeoisie pour suivre l'exemple de l'illustre Perin. L'électoralisme - qui avait été dénoncé comme la source de tous les maux il y a dix ans - fut brusquement redécouvert comme le née plus ultra de la sagesse politique.

Ces deux exemples devraient amener les syndicalistes à s'opposer à toute ambiguïté et à toute confusion sur les notions de base. Ce n'est pas en collaborant avec la bourgeoisie qu'on sapera le pouvoir de celle-ci ; plus d'un demi-siècle d'expérience de collaboration gouvernementale P.S.Biste en témoigne! Ce n'est pas en multipliant les instances "paritaires" et "tripartites" qu'on démantèlera le pouvoir du Grand Capital. Ce n'est pas en démobilisant systématiquement la lutte des syndiqués contre le patronat qu'on accroîtra leur participation à la vie syndicale. C'est donc un véritable choix entre deux orientations diamétralement opposées qu'il faut faire.

Pour élever le niveau de conscience des travailleurs, pour stimuler leur combativité, pour leur permettre d'acquérir l'expérience de lutte nécessaire afin de pouvoir résoudre le problème de l'exercice direct du pouvoir, nous croyons que le combat pour les réformes de structure anticapitalistes reste une étape indispensable. Nous comprenons ce combat en tant que combat pour des revendications transitoires, prises en bloc, non intégrables dans le régime capitaliste. C'est de la mobilisation des masses, dans l'action directe, pour ces objectifs; et dans leur organisation sur les lieux de travail en vue de conduire cette lutte que naîtra la force capable de renverser le régime capitaliste, d'ouvrir la voie vers une Belgique fédérale socialiste et d'entamer la construction d'une société qui permettra d'abolir le salariat.

A cette fin, nous proposons une plate-forme en huit points pour le syndicalisme de combat:

1 - La nationalisation des banques et de toutes les institutions de crédit.

Se souvient-on encore de l'appel dans ce sens, lancé il n'y a guère par Georges Debunne? II se justifie amplement. Les banques sont devenues un véritable Etat dans l'Etat. Elles sont les grands pourvoyeurs de l'inflation. Elles disposent d'un droit souverain de "battre monnaie", puisque la monnaie scripturale qu'elles créent par le truchement des crédits bancaires joue aujourd'hui un rôle plus important dans la vie économique que les billets émis par la Banque Nationale. Vivant en symbiose étroite avec les groupes financiers et les holdings, elles exercent une influence prépondérante sur la plupart des entreprises.

La nationalisation des banques et des institutions de crédit serait un leurre - comme l'a démontré l'exemple français en 1944-45 - si elle n'était pas accompagnée de deux clauses essentielles. Les anciens actionnaires et les représentants des groupes financiers devraient être impitoyablement tenus à l'écart des conseils d'administration et des instances dirigeantes des banques nationalisées. La nationalisation devrait s'effectuer sans indemnités ni rachat, sauf pour les tout petits actionnaires. 2 - Le transfert du domaine des holdings à la nation.

L'emprise des groupes financiers belges et étrangers sur l'économie ne peut être brisée, aussi longtemps que ceux-ci contrôlent les principales entreprises du pays, et disposent des moyens financiers pour reprendre en main ou étendre leur influence sur des entreprises, qu'on leur enlèverait par de simples artifices juridiques (cf. le maintien de cette emprise après l'abolition de la banque mixte" en 1934-35).

Le meilleur moyen d'éliminer effectivement cette emprise, c'est de nationaliser les branches d'industries où l'influence des groupes financiers est prépondérante (tous les secteurs d'énergie, sidérurgie, chimie, verre, construction électrique, grands magasins, etc.) ; d'effectuer cette nationalisation sans indemnités ni rachat, sauf pour les tout petits actionnaires; et d'établir un régime de contrôle ouvrier dans les entreprises nationalisées, étape vers la gestion des entreprises par les travailleurs. 3 - La planification socialiste de l'économie.

Une planification socialiste se distingue d'une "programmation économique" néo-capitaliste par trois traits fondamentaux. Elle est impérative, c'est-à-dire qu'elle peut décider souverainement des grands projets d'investissement. Elle est axée sur la réalisation de besoins prioritaires, démocratiquement déterminés par les masses laborieuses elles-mêmes, et non sur l'impératif du profit. Elle ne se contente pas de modifier la consommation et la répartition du revenu national, mais modifie encore les rapports de production, c'est-à-dire stimule la mise en place d'un système planifié d'autogestion ouvrière.

La lutte pour une planification socialiste et démocratique de l'économie, en tant que revendication transitoire, impliquerait donc: l'arrêt de tout subside aux entreprises privées; l'élaboration d'un plan de modernisation et de développement économique, axé sur la réalisation et le maintien du plein emploi sur place des travailleurs, et sur la détermination de besoins prioritaires de la population, déterminés à travers des comités populaires établis dans les communes et les régions, et par les conseils des travailleurs dans les entreprises, et ratifié par un grand congrès national de ces comités; la concentration de tous les investissements et crédits publics dans la création d'entreprises publiques nouvelles, gérées sous contrôle ouvrier, en commun accord avec les secteurs nationalisés de l'industrie et le crédit nationalisé, sous un Plan ratifié par les masses laborieuses.

4 - L'épanouissement et la démocratisation de la consommation publique.

Parmi les priorités à retenir par une telle planification socialiste et démocratique, il faudrait certainement classer:

* la réalisation intégrale d'une médecine gratuite, égale pour tous, et de haute qualité;

* une véritable démocratisation de l'enseignement, qui s'efforce dès l'école maternelle à réaliser systématiquement l'égalité des chances de tous les enfants, en combattant toutes les formes de sélection et de présélection émanant du milieu familial, local, social, de la structure de l'enseignement même, etc.;

* une véritable émancipation de la femme par la réalisation immédiate du principe "à travail égal, salaire égal", par la multiplication des crèches de qualité, par une popularisation de services de contrôle des naissances, par la création de services publics en matière de chauffage, de blanchissage, de préparation des repas, etc.;

* l'établissement d'un réseau moderne de transports publics urbains et interurbains, décongestionnant les voies de communication et réalisant le principe de gratuité dans le cadre des transports urbains;

* la régie publique des terrains à bâtir, la suppression de la spéculation foncière et la modernisation de la construction, qui devraient permettre de fournir à chaque ménage populaire un logement de confort moderne en l'espace de quinze ans;

* une démocratisation générale des services publics par l'établissement d'un système de gestion mixte de ces services, par des représentants élus des agents des services publics et des usagers.

5 - Le choix du contrôle ouvrier en tant qu'axe principal de propagande et d'agitation syndicales.

La "démocratisation économique" reste du bavardage pur et simple, aussi longtemps qu'on se contente de réclamer pour quelques mandataires politiques et syndicaux des postes dans des organismes mixtes "paritaires" ou "tripartites". L'exemple du "Comité de contrôle de l'électricité et du gaz", pour ne pas citer celui du "Comité de concertation de la sidérurgie", a démontré que pareille "démocratie" peut parfaitement coïncider avec une exploitation accrue des consommateurs, le maintien des surprofits capitalistes de monopole, le déclin de l'emploi, et la poursuite accélérée de la rationalisation capitaliste.

On ne fera des pas en direction d'une démocratisation réelle de la vie économique- et des entreprises que si l'on commence par accorder aux organismes élus par les travailleurs, au niveau des entreprises, des branches d'industrie, des bassins industriels et de l'économie nationale dans son ensemble, un droit de regard et de veto décisif sur tout ce qui concerne directement la vie de tous les jours des travailleurs : ouverture des livres de comptes ; suppression du secret bancaire; inventaire général des richesses des entreprises; calcul contradictoire de la productivité physique et du prix de revient ; droit de veto des travailleurs sur les licenciements et les modifications de l'organisation du travail, etc.

Une campagne d'éducation et d'action développée systématiquement sur ce thème permettra de réanimer puissamment l'activité syndicale à la base, et constitue la seule solution de rechange fondamentale à une orientation d'intégration progressive dans le néo-capitalisme.

6 - La pratique de la démocratie syndicale fondée sur les assemblées générales dans les grandes entreprises, les assemblées générales locales et régionales dans les autres secteurs.

La démocratie syndicale ne peut être assurée qu'au moyen d'une participation active et large des affiliés aux affaires du syndicat. Il faut en finir avec l'habitude qui consiste à placer dans les mains de "leaders professionnels" des droits de décision de fait, en matière d'orientation syndicale. Ni des "assemblées d'information", ni des cours de formation" - quelque utiles qu'ils soient par ailleurs- ne peuvent assurer cette participation; celle-ci ne peut naître que d'une pratique qui associe les affiliés aux décisions qui les intéressent directement. Cela veut dire: retour aux assemblées générales régulières sur les lieux de travail, dans les grandes entreprises ; discussion et ratification des cahiers de revendications dans de telles assemblées; au lieu de référendums passifs, qui atomisent la force des travailleurs, consultation obligatoire d'assemblées générales de syndiqués sur l'opportunité d'accepter ou de rejeter les accords négociés avec le patronat; pouvoir de décision sur l'arrêt des grèves dans les mains d'assemblées générales de grévistes.

7 - Coup d'arrêt à l'intégration des syndicats dans le néo-capitalisme.

Il faut mettre fin à la pratique de la programmation sociale. Les accords paritaires doivent être limités au maximum à un an, et comporter des clauses de dénonciation avant terme. Le mouvement syndical doit conserver les mains libres pour exploiter toute situation favorable à la réalisation de se^ objectifs. Il doit se retirer de tous les organismes de concertation, qui présupposent un intérêt commun de "rentabilité" et de rationalisation des entreprises. Il doit servir de base de concentration des forces laborieuses, et poursuivre à cette fin une politique d'unité d'action avec la C.S.C., mais en maintenant toute son indépendance par rapport aux partis politiques, en combattant clairement pour la doctrine de lutte de classe, en proposant ouvertement une plate-forme de syndicalisme de combat esquissée ici, en structurant cette unité d'action par des assemblées communes dans les entreprises et dans les localités d'affiliés F.G.T.B. et C.S.C. et de travailleurs non syndiqués, où tous auront la possibilité de s'exprimer librement.

8 - Pour une véritable action syndicale internationale.

Confronté de plus en plus avec des sociétés multinationales, le syndicalisme a un avenir bouché devant lui s'il n'apprend pas à opposer l'internationalisme des travailleurs à l'internationalisme du Capital. Ce ne sont pas les contacts au sommet dans le cadre de la C.E.E. qui ont réussi jusqu'ici à promouvoir une véritable prise de conscience internationaliste parmi les travailleurs. Pour y parvenir il faut:

* multiplier les contacts et les rencontres entre délégations syndicales et groupes de travailleurs d'une même branche d'industrie, à commencer par ceux qui travaillent pour un même trust International;

* établir une unité d'action syndicale sans exclusive aucune sur le plan européen, embrassant tant les syndicats affiliés à la C.I.S.L. que les syndicats chrétiens et la C.G.T. et la C.G.I.L, affiliés à la F.S.M.;

* élaborer des cahiers de revendications communs entre travailleurs des diverses usines contrôlées par le même groupe financier international, et organiser des grèves à l'échelle européenne;

* défendre sans restriction les droits syndicaux et l'égalité de traitement des travailleurs immigrés, et conquérir pour eux l'exercice des droits politiques;

* préparer un grand congrès du Travail, qui opposera le programme des Etats-Unis Socialistes d'Europe à l'alternative néo-capitaliste: ou bien une Europe contrôlée par les trusts américains, ou bien une Europe contrôlée par les trusts européens;

* manifester une solidarité agissante avec toute grève importante dans un pays européen, et empêcher tout effort direct ou indirect de briser les effets économiques de cette grève par des déplacements internationaux de commandes et de marchandises;

* manifester une solidarité agissante avec les mouvements de libération des peuples dits "du Tiers-Monde", à la place de la philanthropie hypocrite de "l'aide aux pays sous-développés", qui ne profite qu'aux trusts occidentaux et aux classes possédantes des pays semi-coloniaux.

Nous estimons qu'une telle plate-forme du syndicalisme de combat débouche logiquement sur l'idée de la conquête du pouvoir politique par les travailleurs. Mais nous n'entendons pas faire de l'acceptation de cette conception un préalable au Combat commun avec les ouvriers sociaux-démocrates ou démocrates-chrétiens qui conservent aujourd'hui des illusions réformistes. C'est précisément à travers l'expérience commune de combat pour un tel programme que la validité des thèses réformistes et révolutionnaires se clarifiera, pour la majorité des travailleurs, dans l'action.

Seule l'action directe est en tout cas capable de réaliser un tel programme. Le principe de cette action directe est inscrit solennellement dans la déclaration de principes de la F.G.T.B.

Si le congrès de décembre 1970 de la F.G.T.B. décide de lancer une vaste campagne d'éducation, d'information et de propagande autour des idées du syndicalisme de combat - avant tout l'idée du contrôle ouvrier; si cette campagne prend racine dans les masses grâce à la multiplication des assemblées générales de base, grâce à l'utilisation des mille et un incidents de la vie quotidienne, de chacune des préoccupations montées spontanément de la masse, pour frapper toujours sur le même clou: alors il ne faudra, pas attendre longtemps avant que ne se présente l'occasion de passer à l'agitation et à la mobilisation. Alors, tous ensemble, un million et demi de salariés-appointés syndiqués prépareront une grève générale de durée illimitée qui, organisant ses propres comités et ses propres organes de pouvoir, deviendra invincible, et achèvera le travail commencé par les pionniers de juillet 1936, des combats de la Libération, de 1950, et de la grande grève de 1960-61.

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